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Naissance de la démocratie en Grèce Antique



                                                          Naissance de la démocratie en Grèce Antique


Ouvrages ayant inspirés cet écrit. «  La guerre du Péloponnèse » de V.D. HANSON, universitaire américain, qui reprend Thucydide en le rendant plus lisible ; puis «  la Mythologie Grecque »  de P. GRIMAL  ; ensuite « L’histoire du monde grec antique » par F. LEFEVRE ; puis « L’élan démocratique dans l’Athènes  ancien » par J. de ROMILLY ; pour poursuivre avec « Histoires grecques » de Maurice SARTRE, enfin la grandeur de l’Homme au siècle de Périclès de J.de Romilly.

L’aspect historique de ces lectures est incontestable et c’est en se plongeant dedans que l’on rencontre l’émergence de l’idée démocratique avec l’opposition entre les oligarchies et l’aventure athénienne dès le Vème siècle avant J.C. Pour l’illustrer une citation d’Hérodote reprise du préambule de l’ouvrage de J.de Romilly doit vous être citée :

«  Athènes était donc en pleine prospérité. Ce n’est pas un cas isolé, mais de façon générale, que se manifeste l’excellence de l’égalité. Gouvernés par des tyrans, les Athéniens n’étaient pas supérieurs par la guerre à aucun des peuples de leur entourage ; affranchis des tyrans, ils passèrent de beaucoup au premier rang. Cela prouve que dans la servitude, ils se conduisaient volontairement en lâches, pensant qu’ils travaillaient pour un maitre, au lieu qu’une fois libérés, chacun trouvait son propre intérêt à accomplir sa tâche avec zèle »


Avec pareille observation qui nous vient d’il y a 25 siècles, nous voyons le fondement du bénéfice de la démocratie, ses avantages, l’intérêt qu’il y avait alors, qu’il y a toujours à la défendre, ce que nous rappelle Euripide dans sa pièce «  Les suppliantes » où il fait dire à Thésée l’éloge de la démocratie athénienne : successivement l’existence de la loi, la liberté et le droit à la parole pour tous :

« Pour un peuple il n’est rien de pire qu’un tyran. Sous ce régime pas de lois faites pour tous. Un seul homme gouverne, et la loi, c’est sa chose. Donc, plus d’égalité, tandis que sous l’empire de lois écrites, pauvre ou riche ont mêmes droits ; le faible peut répondre à l’insulte du fort, et le petit, s’il a raison, vaincre le grand. Quant à la liberté, elle est dans ces paroles : « Qui veut, qui peut donner un avis sage à sa patrie ? » : alors à son gré, chacun peut briller … ou se taire. Peut-on imaginer plus belle égalité ? »

La démocratie dès lors, justifie une certaine connaissance dans l’art de discuter et une compétence dans le domaine politique, qui doivent être enseignées aux jeunes hommes, pour permettre d’intervenir dans les assemblées.

Il fallait bien organiser le débat entre les citoyens, c’est ce que vers quoi tendit Clisthène, s’inspirant des philosophes ioniens du VIème siècle : faire en sorte que tous les citoyens, quels que soient leur niveau de fortune ou de naissance, participent d’une manière ou d’une autre à ce que les Grecs nomment la politeia c'est-à-dire la vie politique, le fonctionnement des institutions, la constitution, l’exercice de la citoyenneté.
Le dème est l’unité de base de cette société : constitué de 2 villages, d’un village et des hameaux alentour, d’un quartier de la ville d’Athènes : unité de taille réduite où chacun se connaît, ce dème donnera son nom à chacun de ses citoyens : pour exemple Périclès du dème de Cholargos. Ensuite dème par dème l’ensemble des citoyens est reparti entre 10 tribus.
Clisthène définit 3 grandes zones : la ville (astu), la côte (paralia), l’intérieur (mésangeai).  Ces zones sont constitutives des 3 secteurs très différents de la chôra (l’ensemble du territoire d’Athènes).
Chaque tribu fournirait cinquante bouleutes (pour le conseil des 500), mille hoplites, 100 cavaliers, un archonte…
Tout en conservant l’organisation que Solon avait établi au VIème siècle, le système clisthénien, place le pouvoir politique au centre de la communauté : tous y ont accès, d’ une manière ou d’une autre, certains par l’élection aux magistratures  les plus prestigieuses, d’autres par le tirage au sort au Conseil des 500, tous par la participation à l’assemblée populaire. Tous peuvent prendre la parole pour convaincre, tous peuvent s’exprimer par leur vote.

Prononcé en 416 avant J.C. alors que paradoxalement Athènes allait se lancer dans la guerre contre Syracuse -guerre impérialiste- Périclès alors au pouvoir dit dans un discours resté célèbre : Â Athènes on respecte les gens, on évite des offenser, on respecte la loi sans violence ni affectation ; et on célèbre les fêtes et la beauté, et l’on participe harmonieusement à la vie publique, tout en gardant son activité propre dans sa vie privée, on aide plus volontiers autrui dès que l’occasion s’en présente,  bref, contrairement à la rigueur conservatrice et figée de Sparte, on vit et chacun vit en ayant en soi cette bonne grâce aisée qui fait admirer partout le rayonnement d’Athènes.

Un autre endroit où un athénien peut prendre la parole en dehors de l’assemblée du peuple est le Tribunal : chaque citoyen appelé à comparaitre devait plaider sa propre cause ; il pouvait se faire aider par un conseiller par un homme du métier, qui lui préparait un discours, qu’il devait alors prononcer lui-même devant le tribunal : en théorie, le plaideur était son propre avocat.
L’égalité et l’équité dans le verdict étaient assurées par le fait que chaque plaideur devait parler un temps égal, mesuré par une horloge à eau la clepsydre : c’est ainsi que l’on rencontre dans les textes cette formule amusante où l’orateur dit que quelqu’un pourrait parler ou a parlé «  dans mon eau » !
De fait, l’activité judiciaire renforçait  la souveraineté du citoyen et sa fierté ; elle renforçait également l’entrainement qu’elle apportait à l’apprentissage de la parole, du jugement et de la discussion.

Les orateurs rivaux parlaient chacun son tour, pendant un temps donné : ils devaient s’affronter de façon précise en cas  d’une accusation déterminée, connaître exactement les positions maitresses de l’accusation et de la défense, les arguments principaux sur lesquels l’une et l’autre allaient se fonder, répondre avec précision, les devancer, les retourner…

Il est certain que l’importance des procès et la recherche de la justice ont toujours existé chez les Grecs ; déjà dans Homère au chant XVIII  de l’           Iliade, il cite avec les fêtes du mariage, la présence des procès et des juges.
Aristophane finit par se moquer de la fâcheuse tendance de certains athéniens à aimer les tribunaux : Cléon dans «  les Guêpes » attrape la maladie des procès : son fils lui suggère même d’installer un tribunal à la maison, afin d’y juger un chien accusé d’avoir dérobé la nourriture d’un autre !

L’habitude de la démocratie et l’importance constante des discussions devant les tribunaux, amènent une soudaine et magnifique floraison intellectuelle pour les Athéniens de cette époque  (Vème siècle avant J.C.) : ce fut un grand moment dont les effets durent encore.

Pour exemple, on peut lire aujourd’hui, dans un livre paru en 2009 au sujet de la tentative de coup d’état contre la jeune monarchie constitutionnelle espagnole en 1981 : » ce qui définit une véritable démocratie est son caractère flexible, ouvert, malléable – c'est-à-dire toujours perfectible … une démocratie est perfectible à l’infini »
(Anatomie d’un  instant Javier CERCAS Actes Sud).

Il m’est apparu que, dans une activité aussi violente que la guerre, la démocratie structure la pensée athénienne :

-          ainsi ce sont les citoyens qui vont défendre leur patrie, ils participent de leur équipement, ils arment les trirèmes en y contribuant à leurs frais, en dirigeant eux-mêmes les navires, faisant de la flotte athénienne nombreuse un élément essentiel de la supériorité maritime, dans la conduite de la guerre du Péloponnèse. Les citoyens veillent bien à ce que les rameurs soient des individus qui puissent prétendre à un certain degré de promotion dans la société : il y a là des météques (étrangers à la ville) qui pourront devenir des citoyens athéniens par la suite, alors que les esclaves qui se trouvent également dans les entreponts, pourront être affranchis,
-          point n’est le cas dans le royaume de Sparte dont l’organisation sociétale s’oppose à Athènes : une oligarchie décide de tout : elle promeut une armée d’élites faite d’hoplites au nombre de 8 à 10000, très efficace, très strictement sélectionnée, sachant se battre sur terre, sachant se sacrifier (on les a vu aux Thermopyles au début du Vème siècle avant notre ère), mais craignant de façon continuelle la révolte de hilotes  ou des esclaves, n’appartenant pas à l’élite et ne pouvant jamais y prétendre ; cela entretient un déséquilibre permanent dans cette société qui finira par s’éteindre, alors que de nombreuses cités grecques étaient venues rejoindre Sparte, craignant l’hégémonie d’Athènes.


Ces différences de structure de ces 2 sociétés grecques sont à la base de la guerre du Péloponnèse, première grande guerre civile de l’histoire des temps historiques : elle durera 27 ans faisant des dizaines de milliers de morts et si la politique  aventureuse de la démocratie athénienne avait été plus sage, elle se serait soldée par la victoire de la société de l’Attique.
Malgré la grave défaite subie, malgré l’entrée des généraux lacédémoniens en 404, dans la cité de Périclès, mort dans l’épidémie de peste   20 ans avant la fin du conflit, la démocratie ramènera rapidement la puissance et la gloire de la ville d’Athéna, qui ne faillera vraiment que bien des lustres plus tard sous la férule des rois de Macédoine Philippe et Alexandre qui allèrent lancer le monde grec dans une nouvelle aventure impériale, qui n’allait s’éteindre que 6 ou 7 siècles plus tard en même temps que la chute de Rome.

Le triomphe des macédoniens marque toutefois la fin de la démocratie athénienne qui n’aura duré qu’un  siècle…

Docteur PETITBON Philippe
Membre du cercle Condorcet de Bourg en Bresse

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