A propos du livre de Naomi KLEIN « la stratégie du choc ou le capitalisme
du désastre ».
AVANT PROPOS :
Les enquêteurs de Naomi KLEIN et
elle-même ont démonté, dans le monde, les mécanismes du corporatisme selon
Milton FRIEDMAN.
J’ai fait le choix d’écarter les
études où il était question de tortures car Naomi KLEIN faisait, à mon avis,
trop souvent le rapprochement avec les agissements des tortionnaires de la CIA à Guantanamo et Abu Graïb,
avec les idées de Milton FRIEDMAN. Hors ce dernier était contre la guerre en
Irak. Je me suis donc plus intéressé au montage de la finance d’un capitalisme
du désastre.
Naomi KLEIN est une journaliste
canadienne née le 5 mai 1970 activiste altermondialiste. « No logo »
sort en janvier 2000 sur la tyrannie des marques : Mc Donald, Nike, Coca
et Starbuck.
Issue d’une famille teintée
d’activisme politique, grands-parents marxistes américains actifs dans les
années 1930 1940, le grand père organise la première grève chez Disney. Les
parents ont émigré au Canada en protestation contre la guerre du Vietnam.
Fort du succès de son livre
« No logo », elle s’entoure d’une équipe d’une dizaine d’enquêteurs
pour produire au mois de mai 2008 « La stratégie du choc » sous-titré
« La montée d’un capitalisme du désastre ».
J’avoue que les mots capitalisme
et désastre, côte à côte, m’ont surpris. Cela sentait le souffre et je ne fus
pas déçu à la lecture du livre.
L’idée première évoquée dans le
livre est qu’il faut utiliser, voire provoquer, un choc psychologique pour
repartir d’une page blanche et reconstruire selon les théories énoncées par
Milton FRIEDMAN et les Chicago boys.
Naomi KLEIN ose même un parallèle
entre les tortures pratiquées (lavage de cerveau) par Ewen CAMERON (CIA) et les
chocs provoqués par les catastrophes naturelles (Tsunami 2004, ouragan Katrina
2006) ou humaines (guerre en Irak ou chute de systèmes tel que l’Apartheid ou
régimes communistes, Pologne, Russie).
Elle (N.K) décrit et dénonce
l’émergence d’une nouvelle économie : l’économie de la sécurité et des
situations critiques sous le terme « corporatisme ».
Milton FRIEDMAN (Nobel
d’économie) mort en 2006, promeut la liberté des marchés des prix, le choix des
consommateurs et la liberté économique, auteur de « Capitalisme et
liberté » professeur à l’école de Chicago, il prêche pour le credo du
libéralisme économique mondial.
Adversaire de l’économie mixte,
pour lui : « détestable
fourre-tout où cohabitent le capitalisme pour ce qui est de la fabrication et
de la distribution des biens de consommation, le socialisme pour ce qui est de
l’éducation et de l’étatisation de services essentiels tels que l’approvisionnement
en eau, assortis de toutes sortes de lois destinées à tempérer les excès du
capitalisme ».
Le purisme de FRIEDMAN lui vint
en grande partie de son gourou personnel Friedrich HAYEK (professeur lui aussi
en 1950 à l’école de Chicago). L’austère autrichien mettait en garde ses
contemporains :
-
Les interventions du gouvernement dans l’économie
entraîneraient la société sur « la route de la servitude » et il
fallait donc les éradiquer
-
Mise en place de la doctrine des Chicago boys
-
D’abord, le gouvernement doit éliminer l’ensemble des
règles et règlements qui entravent la réalisation de profits
-
Ensuite, il doit vendre tous les actifs que des
entreprises privées peuvent administrer à profit
-
Enfin, il doit réduire le financement des programmes
sociaux
FRIEDMAN cite des exemples :
-
Impôts réduits au minimum
-
Riches et pauvres assujettis aux mêmes taux uniformes
-
Les sociétés doivent vendre dans le monde entier et les
gouvernements ne doivent rien faire pour protéger les industries locales
-
Le salaire minimum n’existe plus et n’est surtout pas
fixé par une loi, les prix et salaires sont déterminés par le marché
Il préconise (FRIEDMAN) la
privatisation des services de santé, de la poste, de l’éducation, des caisses
de retraite et même des parcs nationaux.
La devise néo-libérale de
FRIEDMAN, appliquée par ses disciples de Chicago est :
« privatisation, dérèglementation, réduction des dépenses sociales »
Après le passage de l’ouragan
Katrina, le gouvernement consentit des exonérations d’impôts, fit régresser la
réglementation du travail, fermer des ensembles immobiliers gérés par le
secteur public (HLM) et transformer la Nouvelle Orléans
en laboratoire pour écoles à régime exceptionnel.
Ce réseau scolaire fut vendu aux
enchères 19 mois après les inondations, alors que la plupart des pauvres
étaient encore en exil. Sur 123 écoles publiques, il en restera 4. Le puissant
syndicat des instituteurs, comptant 4700 membres, fut réduit en lambeaux et les
quelques jeunes instituteurs, réembauchés par les nouvelles écoles à charte,
touchaient un salaire nettement inférieur à celui d’avant.
L’American Enterprise Institute,
groupe de réflexions inféodé à FRIEDMAN déclara : « Katrina a
accompli, en un jour, ce que les réformateurs du système d’éducation ont été
impuissants à faire malgré des années de travail ».
Un projet de développement
touristique au Sri Lanka fut élaboré et proposé en 2003 intitulé
« Regaining Sri Lanka » financé par U.S AID. Il avait pour but de
faire du pays un nouveau Bali. Le projet, par le biais des urnes, fut rejeté en
masse. Il s’agissait de libérer les côtes des petites flottilles de bateaux en
créant des ports accueillant des chalutiers et ainsi de laisser le littoral à
Marriott et Hilton. Huit mois après les élections fatidiques, le Tsunami
frappait. Les déçus de la mise au rencart de Regaining Sri Lanka comprirent
l’importance de l’événement. La population, qui faisait barrage aux promoteurs immobiliers,
avait désormais d’autres préoccupations : sa survie.
La présidente KUMARATUNGA, élue
sur un programme ouvertement hostile aux privatisations, voulut envoyer un
signal fort aux pays riches en montrant que le pays était prêt à renoncer au
passé.
Elle déclara que le Tsunami était
un signe de Dieu, qu’elle avait vu la lumière et s’était convertie au titre du
marché. Parcourant les décombres, elle annonça : « Notre pays a la
chance de posséder de nombreuses richesses naturelles Nous ne les avons jusqu’ici
pas exploitées. La nature a dit ASSEZ ! et elle nous a frappés de toute
part pour nous rappeler que nous devons être tous ensemble ».
Le Tsunami, vu comme châtiment
divin provoqué par le refus des locaux de vendre plages et forêts, c’était
audacieux mais ça a marché. Le pays commença à faire pénitence.
Quatre jours après que la vague
eut frappé, le gouvernement annonça un projet de loi sur la privatisation de
l’eau potable.
Les dirigeants du pays
aggravèrent encore la situation en augmentant le prix de l’essence, décision
ayant pour but d’envoyer un message fort aux organismes prêteurs. La compagnie
nationale d’électricité fit l’objet d’une loi visant à son morcellement dans
l’intention de l’ouvrir à la participation du secteur privé.
Il fallait faire maintenant une
bonne utilisation des fonds de l’aide étrangère et veiller à ce que ces fonds
rejoignent bien les destinataires prévus.
Sous la pression des prêteurs de
Washington, la présidente du Sri Lanka décida que les élus de son gouvernement
n’étaient pas les mieux placés pour se charger de cette planification.
Une semaine après le Tsunami,
elle créa un tout nouvel organe appelé le groupe de travail pour la
reconstruction de la nation (Task Force to rebuild the nation). C’est donc ce
groupe et non le parlement du pays qui élaborerait et appliquerait le plan
directeur pour la création d’un nouveau Sri Lanka (cette Task Force était
composée de chefs d’entreprises, des banquiers les plus puissants et
d’insdustriels). Sur dix industriels présents dans ce groupe de travail, cinq
avaient de gros intérêts dans le secteur touristique balnéaire et
représentaient les plus importants hotels de villégiature du pays.
Les secteurs de la pêche et de
l’agriculture n’étaient pas représentés, il n’y avait pas d’environnementaliste
ni de scientifique. Ce groupe était présidé par Mano Tittawella, star de la
privatisation. Il déclara « nous avons l’occasion de bâtir une nation
modèle ».
En dix jours, le groupe de
travail, et sans jamais quitter Colombo, élabora le plan détaillé de la
reconstruction nationale, du logement aux autoroutes exemptant de zones
tampons, les hôtels et dirigèrent également l’aide reçue vers les super
autoroutes et les ports de pêche industriels.
Washington soutint le plan au
moyen d’une aide à la reconstruction bien connue depuis l’invasion de l’Irak,
l’octroi de méga contrats à ses propres entreprises.
Un exemple : CH2M HILL,
géant de l’ingénierie et de la construction du Colorado avait reçu 28,5
millions de dollars pour superviser d’autres grands entrepreneurs en Irak et
malgré son échec à Bagdad, la société se vit octroyer 48 millions de dollars,
surtout pour effectuer des travaux dans trois ports en eaux profondes destinés
à accueillir les chalutiers qui priveraient de poissons les pêcheurs
traditionnels. Pour citer un pêcheur sri lankais « le problème, c’est que
l’aide n’aide pas et que en plus, elle nuit ».
Les populations expulsées des
côtes se retrouvèrent à l’intérieur du pays dans des camps où le sol est
stérile, parfois avec des barques données par des ONG alors que la mer est à
des kilomètres et sans même un vélo pour se déplacer.
Une jeune femme nommée Renuka,
qui avait réussi à sauver héroïquement ses deux enfants de la vague, vivant
dans un de ces camps, adresse un message à quiconque souhaiterait venir en aide
aux survivants du Tsunami : « si vous avez quelque chose pour moi,
mettez le dans ma main ».
L.B.
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